Pourquoi j’écris, pourquoi je lis

Une sélection de textes d’auteurs sur pourquoi ils écrivent et pourquoi ils lisent.

Nora Ephron

Commençons par la citation la plus drôle, celle de l’auteure américaine Nora Ephron (1941 – 2012). Connue pour ses comédies romantiques, elle a entre autres choses été scénariste et réalisatrice de Nuits blanches à Seattle, Quand Harry rencontre Sally, et Vous avez un message. Journaliste dans une première carrière, elle a été l’auteure de nombreux essais et livres. En 2014, soit deux ans après son décès, paraissait une anthologie de ses écrits The Most of Nora Ephron. Avec tout l’humour qui la caractérise Nora Ephron explique dans Introduction to the Wallflower at the Orgy (Faire tapisserie à la partouze) ce qu’est écrire. Le recueil n’ayant pas été traduit en français, c’est l’auteur de ce blog qui vous en donne une traduction depuis l’anglais :

« Il y a quelques années, l’homme que j’ai épousé m’a dit qu’il avait toujours eu très envie de participer à une orgie. Pourquoi diable ? ai-je demandé. Pourquoi pas ? a-t-il dit. Parce que, ai-je répondu, cela sera exactement comme les booms du YMCA (Union chrétienne des jeunes gens) auxquelles je participais quand j’étais en cinquième, sauf qu’au lieu de gens qui passent devant moi et ne m’invitent pas, cette fois ils marcheront sur mon corps nu et ne me regarderont pas. Cette image ne fit aucun effet sur mon mari. Mais elle est restée en moi, bien que dans un tout autre contexte. Car travaillé en tant que journaliste est exactement la même chose que faire tapisserie dans une partouze. Il semblerait que je me retrouve toujours dans de magnifiques événements où tout le monde passe un moment merveilleux à rire, manger, boire, faire l’amour dans les pièces reculées, pendant que moi, je reste debout sur le côté à prendre des notes sur tout. » – Nora Ephron, Introduction to the Wallflower at the orgy

Virginie Despentes

Contemporaine majeure, Virginie Despentes (1969-) qui a écrit la fameuse série des Vernon Subutex, est aussi l’auteure de l’essai  King Kong Théorie sur l’expérience du féminin. Si la citation que je choisis reflète à peine la puissance de King Kong Théorie, elle éclaire néanmoins sur les pratiques de lecture de Virginie Despentes : 

« Quand, par exemple, en 1984, je suis internée quelques mois, ma première réaction, en sortant, a été de lire. Le Pavillon des enfants fous, Vol au-dessus d’un nid de coucou, Quand j’avais cinq ans je m’ai tué, et les essais sur la psychiatrie, l’internement, la surveillance, l’adolescence. Les livres étaient là, tenaient compagnie, rendaient la chose possible, dicible, partageable. » – Virginie Despentes, King Kong Théorie

George Orwell

L’auteur britannique de 1984, George Orwell (1903-1950) a aussi écrit de nombreux essais. C’est dans Why I write que George Orwell rend compte de sa vocation d’écrivain, dont les manifestations se font dès l’enfance sans qu’il sache vraiment en formuler l’idée aussi précisément à cet âge. Ce n’est qu’a posteriori que George Orwell peut articuler les événements et leur donner un sens. Ayant connu la guerre d’Espagne et la montée de Hitler, l’oeuvre de George Orwell est éminemment politique. Son ambition, comme il la nomme, est de faire des écrits politiques un art :

« Ce qui me pousse au travail, c’est toujours le sentiment d’une injustice, et l’idée qu’il faut prendre parti. Quand je décide d’écrire un livre, je ne dis pas : « Je vais produire une oeuvre d’art. » J’écris ce livre parce qu’il y a un mensonge que je veux dénoncer, un fait sur lequel je veux attirer l’attention, et mon souci premier est de me faire entendre.  Il me serait impossible de poursuivre la rédaction d’un livre, ou même simplement d’un long article, si cette tâche ne constituait aussi une expérience esthétique. » – George Orwell, Why I write

Roland Barthes

Enfin, terminons avec Roland Barthes (1915-1980) qui, bien sûr, ne choisit pas d’expliquer pourquoi l’on écrit, mais plutôt pourquoi l’on n’écrit pas. La citation qui se trouve dans Fragments d’un discours amoureux est sans doute la plus émouvante de cette sélection :

« Savoir qu’on n’écrit pas pour l’autre, savoir que ces choses que je vais écrire ne me feront jamais aimer de qui j’aime, savoir que l’écriture ne compense rien, ne sublime rien, qu’elle est précisément là où tu n’es pas – c’est le commencement de l’écriture. » – Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux

Pour retrouver les œuvres citées dans cet article :

Plus d’articles concernant Roland Barthes à retrouver sur L ‘ I N C O L O R E : Sur l’amoureux, ce parfois solitaire ; Sur le milieu du chemin de la vie ; Sur le temps-qu’il-fait.